La perception du travail chez l'humain
Pourquoi le travail déclenche-t-il de la souffrance ?
A travers cet article, je vous expose les raisons des problématiques sociétales au sujet du travail, la perception de celui-ci et pourquoi les personnes désertent les jobs qui n’ont plus de sens.
Le travail, quel vaste sujet qui intègre tellement de données concernant l’humain qu’il y a de quoi écrire un bon nombre d’articles. Néanmoins, j’ai décidé de m’arrêter sur un thème d’actualité : la souffrance et la quête de liberté.
Au cours de cet article je répondrai donc aux questions suivantes :
1. Pourquoi le travail déclenche t-il de la souffrance ?
2. Comment percevons-nous le travail en tant qu’individu ?
1. Pourquoi le travail déclenche t-il de la souffrance ?
Remettons un cadre au mot souffrance, il vient du verbe souffrir dont la définition est :
(latin populaire sufferire, du latin classique sufferre, supporter)
Endurer, supporter une chose pénible, éprouvante, un mal
Le travail est donc pénible pour beaucoup d’entre nous. D’ailleurs selon ADP :
64 % des salariés français ressentent du stress au travail au moins une fois par semaine, tout particulièrement les jeunes de 18-24 ans (74 %), les télétravailleurs (70 %) et les femmes (68 %)
Les 3 principales causes de stress sont des journées de travail jugées trop longues (24 %), des responsabilités accrues depuis la crise sanitaire (22 %), des craintes liées à la sécurité de leur emploi (20 %)
54 % des télétravailleurs pensent que les managers sont moins susceptibles de repérer les membres de leur équipe qui font face à des problèmes de charge de travail, de stress ou de santé mentale lorsque l’activité professionnelle est exercée à domicile plutôt qu’au bureau
Les salariés considèrent à 59 % être soutenus par leurs collègues concernant leur santé mentale, et seulement à 49 % par leur manager ; 33 % constatent que leur employeur ne prend aucune mesure pour favoriser le bien-être mental
Une communication plus fréquente avec leurs salariés (26 %), un droit à la déconnexion garanti après les heures de travail (18 %), l’accès à des conseils spécifiques (16 %) sont les initiatives les plus fréquemment déployées par les employeurs pour veiller à la bonne santé mentale de leurs collaborateurs
Peut-on assimiler le stress à la souffrance ? Eh bien oui car il en est une forme.
Mais allons plus loin :
Pour Malakoff Humanis, 42% des salariés se sont vu prescrire un arrêt maladie en 2022. Ce taux revient au niveau de 2016 (41%) après une baisse significative durant la période Covid (36% en 2020 et 38% en 2021).
L’absentéisme maladie se traduit par une sur-représentation des jeunes (18-34 ans), constante depuis 2016 (46% en 2022 vs 42% pour l’ensemble). Il se traduit également par une sous-représentation constante des plus de 50 ans (34% en 2022).
Le cadre et les chiffres étant posé, étudions plus en détail, les mécanismes qui se déclenchent et les raisons plus profondes de ceux-là.
Le travail est un devoir, une obligation pour gagner de l’argent, à moins d’être un héritier, d’être rentier ou encore de gagner au loto (+ autres cas particuliers). L’argent est indispensable pour payer nos factures, notre nourriture, notre toit et assurer le fonctionnement de notre vie. Sans argent, donc nous ne vivons pas.
Nous sommes donc, à moins cas particulier évoqué, obligé de travailler pour vivre. C’est un devoir sociétal.
Et déjà pour beaucoup d’entre nous, cette équation nous file de l’urticaire, car elle induit que nous n’avons pas le choix, que nous n’avons pas la liberté de choisir notre destinée ailleurs que dans le travail et que si nous ne nous soumettons pas au fonctionnement de la société, on ne peut assurer nos besoins primaires et s’offrir des plaisirs (quoi que bon nombre de travailleurs n’ont pas la possibilité de s’en offrir).
Le travail est notre contribution humaine à la société en échange de quoi elle nous rétribue. Oui mais, si pour les raisons évoquées dans le post sur les raisons de l’individualisme, nous avons besoin de temps pour quitter un état anxieux, revenir à soi, eh bien, la société n’a pas été créé pour offrir cet espace aux être humains, ni les entreprises, autrement que par l’arrêt maladie.
Le focus dans les entreprises a été mis sur la profitabilité et la rentabilité au mépris des humains qui soutiennent ces chiffres.
Cela fait donc un certain nombre de données accumulées anti bien-être humain. Car pour celui qui a besoin de temps de ressourcement pour lui, la seule option est l’arrêt maladie et donc quitter l’entreprise temporairement.
Si la majeure partie des gens sont fatigués de travailler voire attendent la retraite, c’est parce que celui-ci répond uniquement à un besoin de survie, il n’y a donc pas d’autre sens que celui de permettre de manger, avoir un toit et payer ses factures. Il fatigue et use l’âme de ceux qui travaillent car il est basé sur une contrainte et une obligation, ne laissant pas la place au choix.
Or, l’être humain pour s’épanouir a besoin de créer et d’avoir l’espace pour cela.
Créer, ce n’est pas être un hippie nu dans son jardin qui peint les arbres.
Martine qui met en page des formulaires à sa façon et qui est satisfaite de sa mise en page est en train de créer. Robert qui résout un problème complexe d’ingénierie portuaire est en train de créer.
A chaque fois qu’une personne fait ce qu’elle aime, elle crée
Alors si on suit mon résonnement, Martine et Robert, ne devrait pas souffrir au travail puisqu’il crée.
Oui mais…
Il y a une autre donnée : celle des relations inter-humains et là, Martine qui est satisfaite de son document mais que personne regarde, ni même se soucie, commence à souffrir du manque de reconnaissance et d’interaction enrichissante. Et ne sachant pas comment gérer cette émotion, cette douleur interne, elle va commencer à s’éteindre et peut-être que Martine n’a pas appris à s’exprimer alors elle souffre en silence.
Robert lui n’a pas le temps, ni l’espace pour résoudre le problème auquel il est confronté car son boss l’appelle toutes les 15 minutes pour lui demander où il en est, il accumule le stress. En plus il a une équipe de 15 personnes sous ses ordres et on ne lui a pas appris à évacuer le stress de son système alors il accumule le stress des autres, les responsabilités et la résolution d’un problème, le tout dans un temps imparti.
On demande donc au système interne1 des humains dans les entreprises de gérer un nombre incalculable de données émotionnelles, mentales et nerveuses. A savoir que le cerveau diffuse ces 3 types de données dans le corps car il ne sait pas comment y répondre, et demande donc au corps de compenser ses difficultés de réponses, le stress est la réponse : c’est l’énergie accumulé non résolu dans le corps.
S’il ne sait pas y répondre, c’est parce qu’il n’est pas fait pour gérer autant d’informations différentes qui demande chacune une gestion interne particulière.
Le cerveau ne va pas traiter une émotion comme il va traiter une demande concrète.
Je m’explique mon manager me demande de rendre un papier dans 2h.
Il y a :
1/ la demande concrète : rendre le papier dans 2h
2/ La pression que je me mets pour rendre ce papier dans 2h : stress +1
3/ La demande émotionnelle du manager : pression de mon manager que je ressens car lui-même a la trouille que ce papier soit pas rendu à temps, stress +1
3/ Ma réaction émotionnelle et nerveuse face au stress de mon manager et la peur de le decevoir, stress + 2
Cela fait déjà 3 informations pour mon cerveau à traiter dont une qui appartient au manager : sa propre émotion et j’obtiens un score de +4 de stress juste sur une seule tâche.
Combinez ça sur une journée, avec le nombres d’interactions que vous avez au sein d’une entreprise, le nombre de tâches à faire, l’adaptation à de nouveaux process et des temps de plus en plus courts.
Et ça fait des chocapics !
Autrement dit, ça ronge le système a travers le stress, qui est une réaction chimique de survie, et cela crée des maladies nerveuses et des aversions pour le travail.
2. Comment percevons-nous le travail en tant qu’individu ?
Quand l’épigénétique se heurte au besoin de mieux-être
Ce qui m’amène au sujet suivant : notre perception du travail.
Vous n’êtes pas sans savoir que le mot travail proviendrait du latin tripalium, un instrument de torture à trois pieds. Prouvant de ce fait que le travail n’est que souffrance.
Epigénétiquement2, comme évoqué dans le premier point, nous avons engrammé dans nos cellules la notion d’obligation, de contrainte, de travail forcé et de douleur au travail. Un espace où la libre expression de l’être humain n’a donc pas d’espace, nous sommes programmés déjà à l’école pour répondre à un besoin sociétale d’être placé en fonction de notre niveau à des postes qui seront utiles à la société.
Le travail est donc perçu par la majorité comme un lieu où la libre expression ne peut pas exister. Certains vont dire : tu peux choisir ta voie, oui dans un temps imparti et si ce n’est pas le cas, tu n’as pas d’argent. Il est nécessaire de trouver sa place rapidement dans le monde et faire à sa façon, à moins d’être entrepreneur dans l’âme n’est pas encore possible :
La liberté de choisir le temps de travail (en salarié) : pas possible, la société impose 35h (hors cas exceptionnel).
Proposer une idée, une amélioration de process : pas possible et mal vu dans une hiérarchie où on est en bas de l’échelle, chacun reste à sa place, au cas où le manager ne se sente plus légitime là où il est.
Avoir un jour de congés par semaine pour passer du temps avec mes enfants : pas possible sinon tout le monde va faire pareil.
Etc. Etc.
J’extrapole volontairement mais pour certaines entreprises, je ne suis pas loin de la vérité. Il y a des règles en place pour favoriser le bon fonctionnement et la peur du changement de ceux qui les ont mis en place sclérose le système.
Ainsi, une société qui se repose sur le sacrifice des personnes qui la portent n’est pas tenable dans le temps et s’exposent à des problématiques évidentes de : recrutement, d’arrêts maladies, de maladies nerveuses comme le burn-out, un désintéressement et l’ennui.
L’ennui de vos collaborateurs est d’ailleurs la pire chose que vous pouvez infliger à votre entreprise. Cela signifie que vous avez des ressources inexploitées.
Dans toutes ces données humaines, il y a également la posture des managers qui ont peurs que leur place soit rendue inutile par les idées des personnes subalternes, c’est donc le système de survie qui prend le pouvoir dans l’entreprise.
Les schémas de survie de chacun qui se déclenchent à chaque fois que l’individu se sent menacé, ainsi que la gestion du stress ambiant, les pressions exercées, sclérosent les situations en entreprise et perpétuent le mal-être.
Voilà pourquoi c’est un non sens d’avoir mis la productivité en premier avant le bien-être des collaborateurs et avant même de s’assurer que chacun est dans sa zone d’excellence. Car des humains dans leur zone d’excellence sont heureux de se mettre au service d’un but plus grand qu’eux-mêmes, à savoir une entreprise et ceux qui ne le sont pas, sont des bombes à retardement.
Il est temps, selon moi de créer un société qui garanti l’équilibre de chaque humain en offrant une vraie place à l’individu qu’ils sont, permettant ainsi aux zones d’excellence de s’épanouir dans des lieux catalyseurs de talents et de développement qu’on appelle des entreprises.
Et si l’épanouissement humain menait à davantage de rentabilité ? Jusqu’à maintenant le profit était la résultante des contraintes imposées aux collaborateurs et si la tendance s’inversait ?
Noémie Fouquart